L’hôpital pressure son personnel

Billet d'humeur de la semaine - Lundi 14 Octobre 2024

Nous venons d’apprendre dans mon hôpital que, face aux difficultés financières rencontrées avec un déficit pour l’ensemble de l’AP-HP de 400 millions d’euros, les heures supplémentaires ne seront plus payées mais ne pourront être que récupérées, qu’aucun remplacement des arrêts pour maladie ou pour grossesse ne sera plus possible et que le recours à l’intérim sera limité. A l’énoncé de ces mesures par leur cadre, immédiatement deux infirmières du service d’urgence ont annoncé qu’elles allaient démissionner.

L’absence de perspectives d’amélioration et surtout la certitude d’une aggravation des conditions de travail

Cette réaction est compréhensible et prévisible dans un contexte de manque de personnel et de plannings à trous obligeant les soignants à travailler déjà en permanence en sous-effectif. La fatigue accumulée, mais surtout le constat de ne pouvoir travailler en apportant aux patients des soins de qualité et une disponibilité suffisante sont devenues insupportables. L’absence de perspectives d’amélioration et surtout la certitude d’une aggravation des conditions de travail conduisent à ce renoncement de très nombreux soignants. Nous sommes alors dans un cercle vicieux où les démissions sans espoir de recrutement en nombre suffisant rend encore plus difficile le travail de ceux qui restent.

De nouvelles coupes budgétaires

Alors que cette situation est connue des pouvoirs publics, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) annonce de nouvelles coupes budgétaires avec ce qu’on appelle la technique du rabot, c’est-à-dire que globalement tout le monde doit se serrer la ceinture. Mais monsieur Barnier, sachez que cela n’est plus possible, l’hôpital a tellement maigri ces dernières années qu’il est maintenant en soins intensifs et que le pronostic vital est engagé.

Nous avons besoin en urgence d’une perfusion d’argent frais pour former et embaucher du personnel.

Votre politique est éminemment perverse car en faisant ainsi fuir le personnel, vous pensez pouvoir dégager votre responsabilité en expliquant benoîtement que vous voudriez bien embaucher du personnel mais que vous n’en trouvez pas. Comment s’en étonner quand, après 3 ans d’études et pour exercer un métier difficile avec des horaires décalés, le salaire d’embauche d’un.e infirmier.e ne représente que 1,2 fois le SMIC. Et la situation est pire pour les aides-soignant.e.s..

Nous n’avons pas besoin de paroles mais de moyens et de réformes

Il n’est plus possible de voir se succéder les gouvernements dont les principaux responsables réservent leur première visite à l’hôpital pour nous faire de la calinothérapie. Nous n’avons pas besoin de paroles mais de moyens et de réformes qui mettent en place un système de santé assis sur le service public excluant le privé lucratif et une Sécurité sociale intégrale, collecteur unique de cotisations et payeur unique de prestations. La majorité de la population est en accord avec ces propositions. Votre gouvernement minoritaire, Monsieur Barnier, n’a aucune légitimité. Pour sauver notre système de protection sociale, la première étape est la censure et un vrai débat démocratique sur les choix politiques pour notre modèle de société.

Dr Christophe Prudhomme

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